Wednesday, April 26, 2017

Pourquoi je ne crois plus aux régimes




(alerte billet fleuve mais d'utilité publique) 

Comme chaque année, l’arrivée du printemps provoque la même réaction en cascade chez le commun des mortels (surtout des mortelles de fait) : qui dit printemps dit bientôt été, dit corps dénudés, dit cellulite exposée, dit warning dans l’assiette.

L’idée ? Se délester en catastrophe des kilos accumulés entre novembre et avril (on remercie au passage le foie gras, le chapon, la bûche, la raclette, la fondue, la galette des rois, les crêpes et les œufs de pâques).

C’est la période pendant laquelle j’essaye de ne pas crier sur tous les toits mon métier, dont l'annonce suscite 99.9% du temps des réactions intéressées (je ne jette la pierre à personne, je suis la première à rebondir sur la profession des autres « ah tu es dermato ? Tu voudrais pas regarder ce grain de beauté là ? il est bizarre non ?"). 


J’ai donc souvent droit, et c'est de bonne guerre, à toute une ribambelle de questions auxquelles il est bien entendu impossible de répondre en deux mots (ni même en une heure) du genre « alors ? Qu’est-ce que je dois faire pour maigrir du coup ? » ou « il parait qu’il ne faut pas manger de pain le soir, tu confirmes ? » ou encore «si j’ai un petit creux l’après-midi, il vaut mieux que je mange une pomme ou un yaourt ? » déclinable à l’infini.

La nutrition me captive, je connais tous les aliments, leurs valeurs et intérêts nutritionnels, dès qu’un nouveau « superaliment » envahit la toile, je m’y intéresse et le goûte, j’épluche la presse diététique/minceur santé chaque jour avec intérêt, je passe souvent un temps fou au supermarché pour inspecter les nouveaux produits, les nouveaux labels, bref, je suis passionnée par mon métier.

En revanche, la diététique de l’amaigrissement, traditionnelle (établir un régime, avec des listes d’aliments, des quantités à respecter, des règles à suivre, des cases à cocher..) ne correspond plus du tout à ce que je crois, encore moins à ce que je prône. 

J’ai pratiqué ça pendant des années, parce que c’est ce qu’on nous apprend à l’école et parce que c’est ce qu’on attend de nous, diététiciens. Et je suis encore amenée à le faire parce que je suis salariée et que je n’ai pas la liberté de faire comme je l’entends. Mais j’en suis revenue.
Quinze ans de métiers m’auront fait déchanter quant à la diététique classique.

Pourquoi ? 

Parce que je me suis rendue compte qu’il était extrêmement difficile (pour ne pas dire impossible) de faire perdre du poids à quelqu’un de manière durable, en chamboulant ses habitudes et en lui imposant des règles.

- il faut faire 3 repas par jour
- ne jamais sauter de repas
- prendre un copieux petit déjeuner
- il faut 3 produits laitiers par jour
- des féculents ou du pain à chaque repas mais pas en trop grosse quantité
- pas trop de matières grasses
- mais quand même un peu d’huile d’olive parce que c’est bon pour la santé
- et deux fruits par jour pour les vitamines
- et du poisson gras deux fois par semaine pour les oméga 3
- pas trop de sucre, parce que le sucre appelle le sucre et qu’après on devient accro (vade retro satanas le sucre)
- pas trop de viande rouge parce que ça donne le cancer etc etc


Une liste de recommandations, qui semblent toutes assez fondées et cohérentes, mais qui ne laissent plus de place à la spontanéité, aux envies, au plaisir.

Doit-on : se forcer à prendre un petit déjeuner si on n’a pas faim le matin ? Manger sans appétit son yaourt à la fin du repas par peur de perdre un os ? Croquer à contrecœur dans une pomme à 4 heures parce que c’est un encas raisonnable ? Se priver de ses deux carrés de chocolat parce que le sucre c’est le mal et le remplacer par une orange qu’on mangera sans plaisir et qui nous apportera autant de calories (sans compter la tablette qu’on va s’enfiler rageusement deux semaines plus tard, quand on sera au summum de la frustration)?

Non, non et encore non.

L’organisme est un petit miracle de la nature, doté d’une « balance » interne, qui fait en sorte tout au long de la journée, de nous envoyer les bons signaux au bon moment. Cette balance interne mesure d’un côté nos dépenses caloriques, et de l’autre, contrôle nos apports. Dès qu’elle n’est pas équilibrée, elle nous le fait savoir en nous envoyant le signal de la faim ou de la satiété.

Ce qui veut dire que, si on réussit à être totalement à son écoute, et à totalement la respecter : exit les problèmes de poids. (souvent plus difficile à dire qu'à faire malheureusement)

Plus fort encore, l’organisme sait détecter nos besoins nutritionnels, nos carences et nos excès et nous le signifier : une carence en fer ? Paf, une envie de steak tartare. Une glycémie ras-les-pâquerettes ? Hop, une envie de pâtes.
Je ne sais pas pour vous, mais moi je trouve tout ça fascinant et je ne cesse de m'émerveiller sur le miracle de la nature qui fait si bien les choses.

J’ai toujours été surprise de constater qu’un grand nombre de patients en surpoids, me disent au cours de la consultation qu’ils n’ont jamais faim et qu’ils se forcent à manger, voire qu’ils n’aiment pas manger. Ce qui parait difficile à croire, et qui est pourtant vrai et même logique. On nous apprend à manger à heure fixe, à ne sauter aucun repas et à finir notre assiette.
On mange donc souvent sans avoir faim (= sans attendre que que la balance interne nous indique qu'on manque de calories) donc sans plaisir. Conséquence : la satiété n’arrive jamais, puisque le signal de la satiété ne peut arriver que si la faim s’est manifestée au préalable. En gros impossible de «ne plus avoir faim » si on n’a pas, d’abord, eu faim (logique). Du coup, forcément, on mange trop. Cqfd.

Par conséquent, donner à une personne qui veut perdre du poids, un régime bien balisé, avec des menus précis, des quantités à respecter et des règles à suivre … va totalement à l’encontre de ce cheminement, ne laissant pas de place à la faim, aux envies et à la spontanéité.

Donc, en gros, les régimes ça sert à rien ?

Je ne dis pas ça non plus bien sûr.
Je pense déjà, que pour une très grande partie des personnes qui souhaitent perdre du poids, le travail passera dans un premier temps à « oublier » toutes les règles diététiques et se concentrer sur son corps, réapprendre à manger par faim (et non pas parce que c’est l’heure) et à s’arrêter quand la faim décroit.

Autre point : il ne faut pas vouloir absolument maigrir en mangeant équilibré et surtout ne pas croire que manger équilibrer fait maigrir. L’équilibre alimentaire et l’amaigrissement sont deux abords de la diététique totalement dissociables : on peut maigrir en mangeant déséquilibré et grossir en mangeant parfaitement équilibré.

Il ne faut pas non plus oublier que l’équilibre alimentaire ne se fait pas sur une journée et encore moins sur un repas. Et qu’en écoutant ses envies, on finit généralement par manger selon ses besoins et donc à peu près équilibré.

S’alimenter c’est la première chose que fait le nourrisson, c’est la première tété ou le premier biberon, donné par la maman. C’est se nourrir certes, mais c’est aussi rassurant et réconfortant (et sucré).
Pour certains, le rapport à la nourriture restera toute la vie très fragile et lié à l’affect.
La consultation diététique prend alors des airs de séance psy : la nourriture n’est plus là pour combler les besoins caloriques de l’organisme, pas non plus là pour le plaisir, elle est plutôt une parade à l’anxiété, à l’ennui, au stress, à l’angoisse.
Dans ces cas-là, parfois, le régime classique sert de rempart et de garde-fou et peut aider à canaliser l’alimentation dans un premier temps.
Mais il suffit rarement.

Quant à moi, je me contenterais de rappeler mes quelques mantras à appliquer au quotidien, pour retrouver petit à petit ses sensations alimentaires et surtout le plaisir de manger sans être parasité par des règles et des diktats.

1/ Ne mangez pas sans faim
2/ Dans la mesure du possible, choisissez ce qui vous fait le plus envie
3/ Mangez lentement et en « pleine conscience », tous vos sens à l'écoute
4/ Ne vous forcez pas à terminer (votre assiette ou votre repas)
5/ Ne diabolisez aucun aliment
6/ Ne comptez pas les calories que vous mangez, faites confiance à votre balance interne
7/ Et surtout : ne soyez pas pressée de perdre du poids (erreur la plus fréquemment rencontrée).
Un poids vite perdu est un poids vite repris. Perdre rapidement c’est aller à l’encontre des signaux que nous envoient notre organisme, c’est risquer de s’affamer et de se frustrer, c’est dérégler notre balance interne bien huilée, ça ne marche pas.

Besos todos

Wednesday, April 5, 2017

Le Poke Bowl, néo Bo-bun?



A moins de vivre dans une contrée lointaine recluse et 2.0-free, vous avez forcément entendu parler du Poke Bowl. Nouvelle lubie des foodista, qui s’en sont emparés en 2016 pour en faire le nouveau it-plat, reléguant les bo-bun et autres avocado toasts au rang de has been.

Kesako ?

Non ce n’est pas une balle pour attraper les pokémon (ça c'est la pokeball), le poke bowl (prononcer Pokaï) est un plat qui nous vient tout droit d’hawaï (rien que pour ça on l’aime déjà) et qui se présente dans un bol (d’où le bowl) et contient des dés de poisson cru et marinés dans de la sauce soja, de l’huile de sésame, du vinaigre de riz et des épices - Poke en Hawaïen - à mi-chemin entre le ceviche mexicain et le shirashi mariné japonais (ma définition du bonheur).
A ce poke, disposé dans un grand bol, s’ajoute traditionnellement : des légumes et fruits (tomates, avocat, mangue), du riz et des graines. Ça, c’est la version béta.

Le Poke bowl a ensuite été détourné et twisté de mille façons par la foodosphère : épeautre, boulgour, riz sauvage venant remplacer le riz blanc, ajout d'avocat, d’oignon nouveau, d’algues, d’échalotes frites, de chou râpé, de kale, de gingembre mariné,  de pousses germées, de coriandre fraîche, bref tous les coups sont permis, du moment que c’est healthy.

Qui dit Poke bowl dit couleur, fraîcheur, croustillant et équilibre. Il est représentatif de la tendance eat-clean (manger sain) : raffiné mais rassasiant, fin mais gourmand, sain sans être frugal.

Attention tout de même à ne pas abuser des oléagineux(avocat, graines et noix) qui peuvent faire doubler la ration calorique et lipidique de notre bol.

Le bon ratio ?

Pour un Poke équilibré, rassasiant et peu calorique (une 500 aine de calories le bol de 350 g à la louche) il nous faudra :

¼ poisson mariné (thon, saumon, cabillaud…), ¼ féculent(riz, quinoa, blé, semoule ou pois chiches, edamame …), ¼ légumes cuits(courgettes al dente, pois gourmands, brocolis en fonction des saisons), et ¼ de légumes et/ou fruit crus ou marinés (chou, carottes, concombre, tomates, mangue, ananas …).
Vous pouvez ajouter à cela :
- soit ½ avocat
- soit ¼ d’avocat + 1 cuillère à café de graines/oléagineux (sésame, tournesol, courge, lin, noix de cajou etc)
- soit 1 cuillère à soupe de graines/ oléagineux. 

Les herbes fraîches et épices sont, comme toujours, les bienvenues et peuvent s'inviter dans vos bowls sans restriction.

Pour les veggies/vegans : le poisson cru peut être remplacé par du tofu ou du tempeh mariné ou fumé.

Je ne mets pas fin à un suspense insoutenable en vous avouant que j’en raffole (coucou le mouton de panurge). Le poke a tout pour me plaire : du goût, des saveurs exotiques, des textures qui se complètent (ça croque, ça fond, ça craque et ça pétille) des couleurs pour le plaisir des yeux. 

Comme je le dis souvent, la satiété passe par l’estomac rempli certes, mais elle est aussi nettement boostée par des sens comblés : goût pour les papilles, odeurs pour le nez, couleurs pour les yeux.
Avec un joli Poke bowl devant moi, je suis déjà à moitié rassasiée (mais tu me laisses le manger quand même merci).

Sur ce, à vos bowl, et n’hésitez pas à faire tourner vos idées d’ingrédients miracles pour des Pokaï de génie.


Besos todos