Friday, October 23, 2015

L'alimentation des enfants : faut-il les forcer ou les priver pour réguler leur poids?




J’ai toujours intuitivement pensé que les bébés et jeunes enfants avaient une parfaite appréciation de leurs besoins nutritionnels et caloriques, et qu’ils ne pouvaient pas encore être sujets aux « troubles du comportement alimentaire » ni même à l’alimentation émotionnelle. Par conséquent, je pense qu’on peut tout à fait leur faire confiance quant à leur auto-régulation, et qu’il n’est ni utile de les forcer, ni de les priver.

C’est comme ça que j’ai donc spontanément fait avec mes enfants.

J’ai commencé par les allaiter, ce qui va dans le sens de "faire confiance au nourrisson" pour se nourrir en fonction de ses besoins. Impossible de savoir combien ils prennent, et l’allaitement devant se faire à la demande, pas de tétées à heure fixe. Exit les consignes de X biberons de Y ml de lait à donner espacés d’au moins 3 heures, consignes légèrement anxiogène je trouve. 

Je ne compte plus mes copines/cousines/collègues, inquiètes à l’idée que leur bébé ait encore faim à la fin du biberon ou qu'il ne finisse pas ledit biberon … auxquelles je conseille toujours de donner le biberon comme on allaite : à la demande! 

Bref, tout cela pour en arriver à cette question, qui concerne cette fois l’enfant plus grand, dont l’alimentation est diversifiée : faut-il forcer un enfant qui mange peu et dont le poids est bas, ou priver un enfant qui mange beaucoup et est en surpoids ?

A nouveau,  j’ai toujours eu l’intime conviction qu’un enfant se régulait parfaitement tout seul, n’étant pas encore parasité par la peur de grossir, les idées reçues, les incidences d’excès ou carence sur la santé, la peur de manquer etc. 
De la même façon que je pense que l’animal a cette horloge interne qui lui permet de se réguler parfaitement (le surpoids et l’obésité n’existent pas dans le règne animal, à part chez les animaux domestiqués et donc parasités par les habitudes humaines), et que la personne adulte peut aussi retrouver cette façon intuitive et parfaite de s’alimenter en suivant quelques principes de base (respecter la faim et la satiété principalement).

Mais alors, quid des enfants obèses et des enfants maigres ? Pourquoi certains enfants ont réellement des problèmes de poids si leur alimentation est vraiment intuitive ?

C’est une question que je me suis posée longtemps jusqu’à ce que j’aie la chance de travailler avec le Professeur Tounian, responsable de l’unité de nutrition pédiatrique de l’hôpital Trousseau à paris.

Son discours m’a tout de suite passionné et séduite, à des années lumières de la façon obsolète d’envisager la nutrition infantile de nombreux médecins nutritionnistes.

Pour résumer, le professeur Tounian pense que l’obésité chez l’enfant n’est pas la conséquence d’une alimentation trop importante, mais qu'il en est la cause. De même, un enfant maigre, en dessous de courbes de croissance, n’est pas maigre parce qu’il mange peu, il mange peu parce qu’il est programmé génétiquement pour être maigre.

En bref, un enfant a un patrimoine génétique dans lequel la corpulence est inscrite, et son appétit en découle : un enfant prédisposé à être obèse va avoir un appétit féroce et manger beaucoup, alors qu’un enfant prédisposé à être maigre sera très vite rassasié.
Il appuie sa théorie de faits vérifiés et démontrés, et explique entre autre pour l’étayer que le nombre d’enfants obèses n’a pas augmenté en France depuis l’année 2000, et aux Etats-Unis depuis l’année 1999.

Il a un discours tout à fait déculpabilisant pour les parents, souvent inquiets et déroutés par le poids de leur enfant : inutile de priver votre jeune enfant obèse, il restera sur sa faim, se sentira frustré et se rattrapera forcément sur un repas suivant. De même, en forçant votre enfant maigrichon, vous l’incitez à dépasser sa satiété et il se rattrapera en mangeant spontanément moins au repas suivant.
Le risque de forcer/priver est de générer des états de frustrations, de faim, d’écœurement, qui risque de provoquer sur le long terme des troubles du comportement alimentaire réels cette fois.


Et la santé ?

Le professeur Tounian est catégorique sur la question de l’incidence de l’obésité chez l’enfant : il n’y en a pas. Le surpoids ou l’obésité chez l’enfant ne présente aucun risque sur sa santé, les seuls risques sont des risques « psycho-socio-esthétiques » : discrimination, mauvaise estime de soi, moquerie des camarades.

Que faire alors ?

Un enfant obèse est-il forcément destiné à être un adulte obèse ?
En pratique, 75% des enfants obèses (on peut parler d’obésité chez l’enfant à partir de 4/5 ans seulement) deviennent des adultes obèses. Mais à l’âge adulte, ou à la fin de l’enfance/adolescence, il sera mieux armé pour entreprendre un régime alimentaire.
L’obésité reste une maladie inscrite dans les gênes, aussi, un obèse, pour mincir, devra passer sa vie à se « réguler » en mangeant moins que son appétit le lui indique. Dès qu’il lâchera du lest, il reprendra du poids.

Et l’équilibre alimentaire ?

Il ne s’agit pas de laisser les enfants manger n’importe quoi et n’importe quand bien entendu. Mais il faut dédramatiser et désacraliser l’alimentation de l’enfant, dans la mesure où les carences vitaminiques et minérales sont quasi inexistantes dans les pays développés et les excès ne portent pas à conséquence.

Selon le professeur Tounian, il y a 5 piliers de l’alimentation de l’enfant :

-          Assurer les besoins en fer : en proposant des produits carnés (viande/jambon/charcuterie) 2 fois par jour si possible.
-          Assurer les besoins en calcium : en proposant idéalement 3 produits laitiers par jour (laitage/fromage/lait)
-          Fournir des acides gras essentiels : avec du poisson gras 1 à 2 fois par semaine ou des huiles végétales (olives et colza par exemple)
-          Apporter les phyto-nutriments par les végétaux : une à deux fois par jour en moyenne suffit.
-          Apporter des féculents pour l’énergie : 2 fois par jour (pain et/ou féculents).

Cinq piliers à respecter dans les grandes lignes, sachant que l’équilibre alimentaire s’étale sur la semaine et qu’un repas frites/hamburger/glace, occasionnellement, peut très bien s’inscrire dans une alimentation équilibrée. De même, une fois ces piliers à peu près en place, il ne faut surtout pas diaboliser les aliments plaisir de l’enfant : confiseries, desserts sucrés, boissons sucrées, glaces …

Pour conclure, c’est en dressant trop de règles, de diktats, d’interdits que l’on dérègle la parfaite mécanique alimentaire de l’enfant, à l’instar des fameux « fini ton assiette » ou « si tu ne termines pas ton plat, c’est que tu n’as plus faim pour le dessert ». C’est faux, c’est la différence entre le rassasiement et la satiété : on peut être rassasié d’un plat mais avoir encore faim pour un dessert !

Bref, faites confiance à vos enfants, les moments de repas n’en deviendront que plus agréables et moins conflictuels !

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